samedi 6 juin 2015

La course au « Viagra de l’Himalaya » a commencé au Népal

Dans les villages d’altitude, jeunes et vieux font la cueillette (risquée) du yarsagumba. Cet hybride entre la plante et l’insecte aurait de nombreuses vertus médicinales et s’y vend à prix d’or.

Après le tremblement de terre du 25 avril, on compte des centaines de disparusdans les villages d’altitude du Népal. Même si certaines personnes ont été secourues et d’autres sont rentrées chez elles après une expédition dangereuse depuis la zone de Lamabagar dans le district de Dolakha, les villages et les écoles des districts de Mugu et Dolpa dans la région népalaise de Karnali ont l’air déserts.
Et ce n’est pas à cause du séisme et des répliques qui ont suivi, mais à cause de la forte demande pour le « Viagra de l’Himalaya » très à la mode – leyarsagumba.

La bonne vue des jeunes enfants

Etant donné qu’un simple morceau de ce trésor naturel peut atteindre des centaines de roupies – un gramme de yarsagumba vaut presque trois fois le prix d’un gramme d’or –, jeunes et vieux sont tous partis à la recherche de l’aphrodisiaque. Sur Twitter :
« Une caravane yarsagumba (souvent dénommé Viagra de l’Himalaya) au nord de Maikot. Le trek de la guérilla, Rukum, Nepal. »

Les écoles resteront fermées pendant encore une vingtaine de jours – ce qui n’est pas nouveau pour la région. Pendant un mois, tout le monde va récolter l’« or » des vastes étendues. Les enfants ont une meilleure vue que les adultes et trouvent plus facilement le yarsagumba, une chenille dont le corps est recouvert d’un champignon qu’il n’est pas facile de repérer dans l’herbe des prairies.
Bien que le comité de développement n’autorise pas le travail des enfants de moins de 14 ans, certains qui n’ont pas plus de 7 ans risquent leur vie pour trouver les chenilles convoitées.

Qu’est-ce que le yarsagumba ?

Le yarsagumba est unique, à la fois plante et insecte, et doué de propriétés médicinales dont celle de favoriser la libido. Le mot tibétain se traduit par plante d’été insecte d’hiver.
On le trouve dans les prairies au-dessus de 3 500 m :
« Il se forme quand les spores d’un champignon parasite (Ophiocordyceps sinensis) infectent, tuent et momifient une larve qui se trouve dans le sol. Le champignon traverse alors la tête de la chenille et sort du sol. »
Cet hybride fongique est réputé soigner l’asthme, le cancer et l’impuissance. Ses propriétés énergisantes et stimulantes et ses effets aphrodisiaques lui valent ainsi le nom de « Viagra de l’Himalaya ».

Des bagarres et même des morts

Sur Twitter, encore :
« Voilà le #yarsagumba que l’on cherche et que l’on trouve à 4500 m. »

L’appât de la récolte mène les gens de plus en plus haut – souvent jusqu’à 4 500 m. Les cueilleurs oublient tout, en particulier leur propre sécurité, pour atteindre la vache à lait de la région.
La compétition entre les villageois pour toujours plus de yarsagumba se solde par des conflits, des bagarres et même des morts. Sur Twitter, toujours :
« La culture en plein essor au Népal : “le Viagra de l’Himalaya”. »
« 80 000 dollars le kilo »
Malgré les températures glaciales, les risques d’avalanches, le mal des montagnes et le vertige qui peuvent compromettre une mission, la plupart des habitants de ces districts économiquement faibles donnent la priorité aux profits à court terme. Ci-dessous :
« Tentes de cueilleurs de yarsagumba. Les prix peuvent atteindre 80 000 dollars le kilo [environ 70 000 euros, ndlr]. »

Le principal marché pour l’exportation du yarsagumba est la Chine, où il atteint100 dollars le gramme (environ 88 euros). On estime le marché global du yarsagumba entre 5 millions et 11 millions de dollars.
Ce marché est le moteur économique de cette région montagneuse. De plus, bien qu’il soit prouvé que le séisme important du Népal a eu un impact sur l’approvisionnement, les cueilleurs des districts touchés par le séisme mesurent les risques de répliques comparés à ce que leur rapporte un voyage, et les individuels et les familles ne souffrent pas encore de pénurie..

Prolifération depuis les montagnes sacrées

L’avidité et l’avarice ont conduit à une récolte intensive de l’espèce. On déplore un manque de réglementation appropriée et de gestion durable et les expertscraignent que les réserves ne s’appauvrissent.
L’afflux humain massif pendant la saison des récoltes est mauvais pour la fragilité de l’écosystème. Les déchets et les ordures que les cueilleurs laissent derrière eux polluent et détruisent l’environnement nécessaire à la formation du yarsagumba.
Cependant, selon certains rituels locaux et certaines croyances bouddhistes, la récolte du yarsagumba est interdite sur certains flancs de montagnesconsidérés comme sacrés, ce qui a permis au champignon parasite de se développer depuis ces secteurs.
En plus de ces dissuasions culturelles, il faut mettre en place une stricte politique d’investissement dans la durabilité de la récolte et du commerce du yarsagumba pour que les communautés tirent profit de la nature d’une manière responsable.