dimanche 21 juin 2015

Au coeur du Népal dévasté, les ânes ne ravitaillent plus et la mousson menace

 AFPPar Etienne FONTAINE

Des habitants du village de Sirdibas, à 250 km au nord-ouest de Katmandou, le 14 juin 2015


L'unique accès au plus proche marché, à trois jours à dos d'âne, est coupé depuis le séisme: à Sirdibas dans l'ouest du Népal, les villageois appréhendent la mousson imminente qui va repousser de plusieurs mois le rétablissement de ce chemin vital.
"Nous n'avons plus accès au marché local donc nous ne pouvons plus acheter ni riz, ni huile de cuisson", explique Lani Gurung, une femme de 60 ans venue avec une centaine d'autres habitants décrire l'urgence de la situation à la coordinatrice de l'Onu pour la région Susan Robertson.
Dans ce village en terrasses où pratiquement toutes les maisons ont été endommagées, le casse-tête du ravitaillement va s'amplifier avec la mousson.
Le séisme géant du 25 avril, qui a tué plus de 8.700 personnes, a déclenché des glissements de terrain et coupé sur une dizaine de kilomètres le seul chemin qui mène au marché, explique l'un des 37 militaires népalais déployés à Sirdibas pour les secours.
La nourriture est habituellement transportée à dos d'âne. Les habitants ont bien essayé de passer par un ancien itinéraire, mais lui aussi est obstrué et à risques en raison des chutes de pierres.
En outre, les ânes ont payé un lourd tribut dans la catastrophe puisque 200 à 300, sur les 2.000 recensés dans les villages des environs, seraient morts, selon Hira Chhetri, habitant qui travaille pour l'organisme de protection de la nature (NTNC).
"Mais c'est un petit problème par rapport au reste", sourit-il.
L'heure est encore à l'aide d'urgence et l'approvisionnement arrive par les hélicoptères du Programme alimentaire mondial (PAM) et par l'armée népalaise: quelques kilos de riz, de "riz aplati" et du sucre chaque semaine, ainsi qu'une bâche par famille.
Ici, on cultive le maïs ou la pomme de terre mais, coup du sort supplémentaire, les insectes ont ravagé une bonne partie des cultures après le séisme et certains champs sont inaccessibles.
"Habituellement, les gens entreposent leurs récoltes chez eux mais là, ils n'ont rien à stocker", dit Ram Kumar, le chef du comité de village.
- Pas de nourriture pour l'internat -
Faute de ravitaillement, la réouverture de l'école est également compromise.
Sur les 500 enfants de l'école, 120 sont internes car ils habitent dans des villages situés à deux jours de marche. Les murs en pierres de plusieurs classes et dortoirs se sont effondrés.
En revanche, les panneaux solaires installés il y a deux ans près de l'école sont intacts et permettent l'approvisionnement en électricité.
Une enseignante de népalais, en élégante jupe longue jaune et châle violet, explique qu'elle va tenter de reprendre ses cours sous des abris temporaires dans les jours qui viennent.
"Mais pour les enfants qui viennent de loin et qu'il faut nourrir, cela ne va pas être possible", dit-elle.
Avec l'imminence des pluies torrentielles de mousson, l'autre urgence va à la construction d'abris solides. Les hélicoptères débarquent par rotation les plaques de tôle ondulée qui serviront à la construction d'habitats d'urgence fournis par la Croix-Rouge.
En particulier pour une femme dont la maison a été détruite par le séisme et qui a accouché en cette matinée de la mi-juin. Elles sont deux à avoir accouché depuis le séisme et dans le village, nombre de femmes vivent seules parce que leur mari est décédé ou parce qu'il a émigré pour le travail.
Mais la vie ne reprendra vraiment que quand le chemin aura été rétabli, avec l'espoir de voir les amateurs de trekking revenir dans ce village situé sur le réputé tour du Manaslu.