Pourquoi l'alpiniste Marc Batard a fait demi-tour sur l'Annapurna
l'Annapurna
Marc Batard souhaite mettre en place le Sisha, soit le premier « sommet international sur la sécurité de la haute altitude ». (P. Nuru Sherpa)
Marc Batard, qui se prépare à gravir l'Everest pour ses 70 ans l'an prochain, a dû faire demi-tour avant d'atteindre le sommet de l'Annapurna en raison des conditions dangereuses. L'alpiniste français, très soucieux de la sécurité, nous explique pourquoi.
« Avec les valeurs de sécurité que je défends, il était de mon devoir de faire demi-tour. » Arrivé à 6 000 mètres le 16 avril dernier, l'alpiniste français Marc Batard a dû renoncer au sommet de l'Annapurna (8 091 m). Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, on peut voir en direct l'émotion de son compagnon de cordée népalais Pasang Nuru Sherpa, de devoir abandonner ce projet. « On a déjà perdu Muhammad(Ali Sadpara, leur troisième compagnon de cordée disparu sur le K2 cet hiver), on ne pouvait pas prendre plus de risques », témoigne-t-il sans regret avec le recul.
Après l'Aconcagua l'année dernière et le K2 en janvier, le vétéran poursuivait sa préparation pour l'ascension de l'Everest en mai 2022, où il souhaite fêter ses 70 ans. Un projet qu'il prépare depuis plusieurs années avec l'objectif de sensibiliser et de réduire les risques de la haute montagne. Son exploit de gravir le plus haut sommet du monde en 1988 en moins de 24 heures sans oxygène, lui a valu son surnom, le Sprinteur de l'Everest
« C'est encore plus difficile de renoncer alors que nous étions en pleine forme physique et de regarder les autres se rendre au sommet aux dépens de la sécurité, regrette l'alpiniste français. Mais nous n'avons rien à prouver, Pasang a gravi treize fois l'Everest, moi deux. C'était la meilleure décision à prendre. »
« Y aller, c'était jouer à la loterie »
C'est donc à 6 000 mètres d'altitude que Marc Batard renonce à s'engager dans le « couloir de la guillotine », un passage qu'il redoutait. « Y aller, c'était jouer à la loterie. On voyait des chutes de sérac (blocs de glace en suspension) très régulières », certifie l'himalayiste
Alors qu'une agence népalaise s'était engagée à équiper la voie principale du versant nord, elle a finalement changé d'itinéraire cette année pour privilégier un accès plus simple, mais plus dangereux. « Les cordes fixes n'étaient pas du tout sécurisées, dénonce-t-il. Bien que les sherpas aient réussi le K2 en hiver, ils manquent de technique. » Pas suffisamment équipé pour ouvrir une voie par lui-même, le duo a préféré abandonner.
L'alpiniste-réalisateur Bertrand Delapierre et l'aspirant-guide Yorick Vion ont fait le choix inverse. S'ils étaient au départ partis tous les quatre, les deux binômes se sont séparés en cours de route. « On a longuement hésité avant de grimper. Si c'était à refaire, pour l'avoir vu de l'intérieur, on ne le referait pas, assure Bertrand Delapierre. On est passé à travers un chaos de glace énorme tombé la veille et un bloc est tombé à moins d'un mètre d'un sherpa à côté de nous, il aurait pu y avoir soixante morts d'un coup. »
« Lachenal doit se retourner dans sa tombe »
Marc Batard dénonce la « machine à fric » cachée derrière ces expériences dangereuses : « On voit des hélicoptères apporter des cordes et de l'oxygène à 7 000 mètres à des grimpeurs pas assez expérimentés ». Marc Batard pointe du doigt le manque de vigilance des agences sur le niveau des alpinistes, surtout sur l'Annapurna, « un des 8 000 les plus dangereux de la planète ».
Pourquoi l'alpiniste Marc Batard a fait demi-tour sur l'Annapurna
Marc Batard souhaite mettre en place le Sisha, soit le premier « sommet international sur la sécurité de la haute altitude ». (P. Nuru Sherpa)
Marc Batard, qui se prépare à gravir l'Everest pour ses 70 ans l'an prochain, a dû faire demi-tour avant d'atteindre le sommet de l'Annapurna en raison des conditions dangereuses. L'alpiniste français, très soucieux de la sécurité, nous explique pourquoi.
« Avec les valeurs de sécurité que je défends, il était de mon devoir de faire demi-tour. » Arrivé à 6 000 mètres le 16 avril dernier, l'alpiniste français Marc Batard a dû renoncer au sommet de l'Annapurna (8 091 m). Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, on peut voir en direct l'émotion de son compagnon de cordée népalais Pasang Nuru Sherpa, de devoir abandonner ce projet. « On a déjà perdu Muhammad(Ali Sadpara, leur troisième compagnon de cordée disparu sur le K2 cet hiver), on ne pouvait pas prendre plus de risques », témoigne-t-il sans regret avec le recul.
Après l'Aconcagua l'année dernière et le K2 en janvier, le vétéran poursuivait sa préparation pour l'ascension de l'Everest en mai 2022, où il souhaite fêter ses 70 ans. Un projet qu'il prépare depuis plusieurs années avec l'objectif de sensibiliser et de réduire les risques de la haute montagne. Son exploit de gravir le plus haut sommet du monde en 1988 en moins de 24 heures sans oxygène, lui a valu son surnom, le Sprinteur de l'Everest.
« C'est encore plus difficile de renoncer alors que nous étions en pleine forme physique et de regarder les autres se rendre au sommet aux dépens de la sécurité, regrette l'alpiniste français. Mais nous n'avons rien à prouver, Pasang a gravi treize fois l'Everest, moi deux. C'était la meilleure décision à prendre. »
Marc Batard a creusé une grotte de neige à 5 650 mètres pour la nuit alors qu'ils étaient partis de l'Annapurna Base Camp (4 130 m). (M. Batard)
« Y aller, c'était jouer à la loterie »
C'est donc à 6 000 mètres d'altitude que Marc Batard renonce à s'engager dans le « couloir de la guillotine », un passage qu'il redoutait. « Y aller, c'était jouer à la loterie. On voyait des chutes de sérac (blocs de glace en suspension) très régulières », certifie l'himalayiste.
Le couloir de glace risqué, arpenté par des grimpeurs. (B. Delapierre)
Alors qu'une agence népalaise s'était engagée à équiper la voie principale du versant nord, elle a finalement changé d'itinéraire cette année pour privilégier un accès plus simple, mais plus dangereux. « Les cordes fixes n'étaient pas du tout sécurisées, dénonce-t-il. Bien que les sherpas aient réussi le K2 en hiver, ils manquent de technique. » Pas suffisamment équipé pour ouvrir une voie par lui-même, le duo a préféré abandonner.
L'alpiniste-réalisateur Bertrand Delapierre et l'aspirant-guide Yorick Vion ont fait le choix inverse. S'ils étaient au départ partis tous les quatre, les deux binômes se sont séparés en cours de route. « On a longuement hésité avant de grimper. Si c'était à refaire, pour l'avoir vu de l'intérieur, on ne le referait pas, assure Bertrand Delapierre. On est passé à travers un chaos de glace énorme tombé la veille et un bloc est tombé à moins d'un mètre d'un sherpa à côté de nous, il aurait pu y avoir soixante morts d'un coup. »
« Lachenal doit se retourner dans sa tombe »
Marc Batard dénonce la « machine à fric » cachée derrière ces expériences dangereuses : « On voit des hélicoptères apporter des cordes et de l'oxygène à 7 000 mètres à des grimpeurs pas assez expérimentés ». Marc Batard pointe du doigt le manque de vigilance des agences sur le niveau des alpinistes, surtout sur l'Annapurna, « un des 8 000 les plus dangereux de la planète ».
La queue pour arriver au sommet de l'Annapurna, capturée le 17 avril par l'alpiniste polonais. (K. Kowalewski)
« Tout le monde est conscient du danger mais vu les enjeux financiers derrière... Les sherpas grimpent l'estomac serré, ils n'ont pas le choix c'est leur boulot. Les clients se fixent des objectifs trop difficiles et les agences cautionnent pour le business,dénonce l'alpiniste qui n'a pas sa langue dans sa poche. Louis Lachenal doit se retourner dans sa tombe (le premier à avoir gravi un sommet de plus de 8 000 m à l'Annapurna avec Maurice Herzog en 1950, expédition controversée par la suite, ndlr). C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu plus d'accidents. »
L'alpiniste chevronné a tout de même poursuivi son expédition au Népal par une reconnaissance en hélicoptère sur l'Everest pour envisager d'ouvrir un passage moins dangereux que l'Icefall, lieux de nombreux drames. « Je ne suis pas là pour enfoncer les guides mais pour faire progresser la sécurité et tirer des leçons positives », assène Marc Batard, plus que jamais soucieux de l'application des bonnes règles de sécurité en haute montagne.
publié le 12 mai 2021 à 17h05mis à jour le 13 mai 2021 à 08h45