LE MONDE | • Mis à jour le | Par Pierre Le Hir
Le Népal est malheureusement coutumier des soubresauts destructeurs de la croûte terrestre. Alors que le pays est encore plongé dans le chaos par la violente secousse qui, samedi 25 avril au matin, a ravagé la vallée de Katmandou, il vit sous la menace d’un séisme annoncé de beaucoup plus grande ampleur encore.
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Cette extrême instabilité de la lithosphère a pour origine ce que les scientifiques nomment le « méga-chevauchement himalayen ». Il s’agit de l’affrontement entre, au sud, la plaque tectonique indienne et, au nord, la plaque eurasienne, dont le massif himalayen constitue la bordure. Le processus a commencé voilà quelque 100 millions d’années, lorsque le sous-continent indien s’est définitivement détaché du supercontinent Gondwana (qui réunissait autrefois l’Antarctique, l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Australie et l’Inde), pour dériver vers le nord, en direction du continent asiatique.
C’est la collision titanesque entre les deux blocs continentaux, voilà un peu plus de 50 millions d’années, qui a donné naissance à la chaîne de l’Himalaya. Aujourd’hui, décrit Pascal Bernard, sismologue à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), la plaque indienne continue de s’enfoncer comme un coin, sur un plan incliné, sous la plaque eurasienne dont elle provoque l’élévation. Ce chevauchement, dont la vitesse s’est beaucoup réduite depuis le télescopage des deux masses continentales, se poursuit désormais à une vitesse de l’ordre de 2 centimètres par an.
Risques de répliques « plus puissantes »
« Cette zone de contact, sur une immense faille qui court tout le long de la chaîne himalayenne, accumule d’énormes tensions », explique le chercheur. Le Népal en particulier, au pied de l’Himalaya, se « contracte » en quelque sorte, chaque année, de 2 centimètres. Ce sont ces contraintes colossales qui se libèrent lors des ruptures de la faille. Voilà pourquoi la région himalayenne est la partie continentale du globe la plus exposée aux tremblements de terre, même si les zones de subduction proches des côtes, où se confrontent plaques océaniques et plaques continentales, peuvent engendrer des secousses plus violentes, comme au Chili ou au Japon.
C’est une telle rupture qui s’est produite samedi matin, avec le séisme de magnitude 7,8 dont l’épicentre était situé à environ 80 km au nord-ouest de la capitale népalaise et dont l’onde de choc s’est propagée, en une quarantaine de secondes, sur une distance de 150 km, dévastant la vallée de Katmandou.
En dépit de la brutalité du phénomène, « seule la partie profonde de la zone de contact a cassé, dans la partie centrale du Népal », indique Pascal Bernard. Si bien qu’« il reste des zones bloquées » et qu’« on peut craindre de nouvelles ruptures engendrant de nouveaux séismes, plus à l’est ou plus à l’ouest ». C’est ce qui s’est notamment passé dimanche matin, avec une réplique de magnitude 6,7, dont l’épicentre était situé à l’est de Katmandou. Il faut s’attendre à des répliques « qui peuvent être aussi puissantes, voire plus puissantes », et qui « pourraient survenir pendant plusieurs mois ou même plusieurs années », prévient le sismologue.
Magnitude 8 en 1934
Le pire reste toutefois à venir. La secousse de samedi, bien que considérée comme « un gros séisme » par les spécialistes, est restée de plus faible importance par rapport à celle de 1934, de magnitude 8, qui avait semé la désolation dans les trois grandes villes de la vallée, Katmandou, Patan et Bakhtapour, en faisant entre 10 000 et 20 000 morts. En 1505, un autre tremblement de terre avait, lui aussi, atteint la même magnitude.
Mais, souligne Pascal Bernard, « nous estimons que la magnitude maximale qu’on peut attendre pour un séisme au Népal est de 8,5 à 9, soit une énergie trente fois supérieure à celle libérée par la secousse de samedi ». Des indices géologiques laissent penser qu’un tel événement s’est produit dans les années 1100. Or, le temps de récurrence de ce genre de cataclysme est estimé « à un millier d’années, avec une marge d’incertitude de 20 % ou 30 % ». La conclusion est sans appel : « A une échéance qui peut être celle du siècle ou de quelques siècles, le Népal n’échappera pas à la catastrophe d’un séisme géant. » Et la menace vaut pour toute la bordure sud de l’Himalaya, Inde et Bangladesh compris.
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