Une station d'essence fermée à Katmandou le 8 octobre 2015.
Une station d'essence fermée à Katmandou le 8 octobre 2015. - William Molinié

De notre envoyé spécial à Katmandou (Népal),
Il faut parfois faire une journée et demie de queue devant les neuf stations-service ouvertes de la capitale pour obtenir un bidon d’essence de 10 litres. Les files de voitures, camions et bus à l’arrêt s’étirent sur des centaines de mètres le long des trottoirs de Katmandou (Népal) en attendant un hypothétique ravitaillement. Depuis quatorze jours, les Népalais vivent sur leurs réserves de fuel. Les camions-citernes ne passent qu’au compte-gouttes à la frontière avec l’Inde. Seuls une trentaine par jour seulement, alors qu’il en faudrait entre 300 et 350 pour un fonctionnement normal du pays.
Les groupes ethniques du sud du Népal, appelés Madhesis, bloquent les entrées aux principaux points de passage. Dans un pays encore largement orchestré par un système de castes, ils réclament des droits renforcés et une représentation plus importante au sein de la fonction publique, de l’armée et au Parlement. Perspectives qui, selon eux, ne sont pas garanties par la nouvelle Constitution très attendue depuis la chute de la royauté en 2007 et promulguée le 20 septembre dernier.

La réponse du canon

Depuis le début de la crise, il y a deux semaines, le gouvernement népalais rejette la faute sur l’Inde qu’il accuse d’entretenir et de favoriser en sous-main la révolte des Madhesis en refusant d'exporter son fuel. Plutôt que la négociation, c’est la réponse du canon qui a été choisie. En deux mois de manifestations, plus de 40 personnes ont été tuées, parfois à bout portant.
« On ne peut plus acheminer nos bétonneuses pour reconstruire les écoles détruites par le séisme. On avait déjà pris beaucoup de retard à cause de la mousson », regrette un cadre d’une entreprise britannique chargée de rebâtir les établissements publics écroulés à la suite du terrible tremblement de terre d’avril et mai dernier.

Des corridors humanitaires

Face au spectre de l’enlisement du pays dans une nouvelle crise, les ONG alertent sur les conséquences humanitaires liées à la pénurie d’essence. « La crise du fuel a déjà un impact néfaste sur la nourriture et les besoins primaires », alarme l'association internationale des ONG népalaises (AIN). Elle réclame d'ailleurs l’ouverture de corridors humanitaires et l’acheminement d’essence par voie aérienne.
« On ne peut plus assurer le suivi des patients. On a pu louer des voitures avec essence. Mais on ne peut plus continuer. La crise du fuel est en train de se transformer en crise humanitaire », explique Sarah Blin, directrice d’Handicap International au Népal. L’ONG dispense des séances de kinésithérapie aux populations les plus reculées, victimes du tremblement de terre. Il lui est désormais impossible d'assurer cette mission. Autre conséquence, plus inquiétante encore, le programme alimentaire mondial (PAM) accuse déjà un retard de 15 % sur la nourriture censée être distribuée.

La solution passera-t-elle par la Chine ?

Des discussions entre les Nations Unies et les autorités népalaises ont commencé mercredi matin. Dans l’espoir de trouver rapidement des réponses d’urgence à ce bras de fer entre l’autorité centrale de Katmandu et les Madhesis. Les observateurs estiment que cette pénurie de pétrole pourrait impacter l’économie du pays davantage encore que les séismes. La presse locale rapporte même des risques de récession.
Même si l’Inde dit poursuivre ses exportations d’essence, Katmandou cherche de nouvelles routes pour acheminer du fuel. Notamment depuis le Nord avec la Chine. Selon le Times of India, des routes sévèrement touchées par le tremblement de terre seraient actuellement déblayées d’urgence. Sans avoir réellement l’assurance que des camions-citernes pourraient passer par ces voies-là.