« Kalo Pothi – Un village au
Népal », deux gamins et leur poule, sur les pentes du Népal
Ce film népalais,
récompensé à la Mostra de Venise, ouvre sur un monde rural méconnu, soumis au
système de castes et secoué par les violences.
LES ACACIAS FILMS
Prakash et Kiran partent sur les routes à la
recherche de leur poule.
KALO POTHI–UN VILLAGE
AU NÉPAL **
de Min Bahadur Bham
Film népalais,
1 h 30
Il n’est pas donné
toutes les semaines aux cinéphiles de se transporter, en fauteuil, jusqu’à un
petit village du nord du Népal, auquel aboutissent deux ou trois chemins de
terre. C’est là que vivent Prakash et Kiran, enfants qu’une sévère différence
sociale n’empêche pas d’être amis.
Bien décidés à gagner
quelques sous, ces compères futés se mettent en tête d’élever une poule et de
vendre ses œufs. Las, la poule, acquise dans des conditions peu claires,
revendue par le père de l’un d’eux, un veuf maintenu en état de domesticité,
leur cause bien des soucis.
Le jour où elle
disparaît pour de bon, Prakash et Kiran se lancent à sa poursuite, au mépris
des dangers qui les guettent dans la région, où sévit une guérilla maoïste.
Nourrie de
l’expérience de son réalisateur népalais, cette fiction cofinancée par la
France, la Suisse et l’Allemagne élargit encore un peu plus – quelques
mois après le beau Lamb vu à Cannes (sur un jeune Éthiopien et sa
brebis) – la fenêtre que le cinéma ouvre sur le monde.
Récompensé du prix du
meilleur film à la Semaine de la critique lors de la dernière Mostra de Venise, Kalo Pothi–Un village au Népal, tourné dans des endroits reculés avec l’aide
de comédiens non professionnels, fut une aventure.
Ce regard posé
« de l’intérieur » sur un pays qui n’évoque souvent que les courses
folles menées vers les sommets par des Occidentaux en quête d’exploits s’avère
précieux. La part documentaire de ce long métrage dévoile un monde rural
méconnu, fortement hiérarchisé par le système des castes (comme dans l’Inde
voisine), où le taux d’alphabétisation ne dépasse souvent pas 20 %.
Suivant avec
enthousiasme les deux jeunes héros, la caméra glisse sur les paysages
vertigineux pour s’arrêter sur les personnages, pénétrer dans des masures
seulement équipées d’un châlit et d’un foyer où l’on confectionne des repas à
partir de presque rien.
En toile de fond, la
guerre civile est bien présente, entre discours et « programmes
culturels » proposés par les maoïstes, mais aussi enrôlements (notamment
des filles voulant échapper à leur condition servile) et enlèvements.
La réalité des
affrontements, qui firent 13 000 victimes en dix ans, apparaît de manière
fugitive mais suffisamment marquante pour que le spectateur prenne la mesure de
leur réelle violence.
-----La guerre civile au
Népal
1996. Le Parti communiste népalais, d’inspiration
maoïste, lance les hostilités en février, via son bras armé, l’Armée populaire
népalaise. Il demande le départ du roi Birendra et l’instauration d’une
république.
2001. Un règlement de comptes familial, attribué à
l’un des princes héritiers, décime la famille royale. Birendra, décédé, est
remplacé par Gyanendra.
2006. En avril, Gyanendra tente de s’arroger les
pleins pouvoirs mais un vaste mouvement populaire l’en empêche. En novembre, un
nouveau premier ministre signe un accord de paix avec la guérilla maoïste. On
estime à 13 000 le nombre de morts liés à la guerre civile, dont un tiers
serait attribuable aux maoïstes et deux tiers aux forces gouvernementales. Plus
de 100 000 personnes auraient fui les combats.
2012. Mise en place par le Parlement d’une
Commission vérité et réconciliation.
ARNAUD SCHWARTZ