Le pays himalayen s'est enfin doté d'une Constitution après sept ans de débats. Les trois principaux partis avaient décrété une union sacrée à la suite du tremblement de terre.
Une longue minute d’applaudissements, puis les députés se lèvent tous ensemble dans une clameur enthousiaste : l’Assemblée constituante népalaise n’a pas boudé son plaisir à l’annonce du résultat du vote de la nouvelle Constitution, mercredi, par 507 voix sur 598. Il aura fallu sept longues années de discussions pour sortir de l’impasse politique dans laquelle ce pays était plongé depuis l’abolition de la monarchie en 2008.
C’est le tremblement de terre du 25 avril, responsable de 9 000 morts et de centaines de milliers d’habitations détruites, qui a paradoxalement débloqué la situation. Depuis la fin de la guerre civile, en 2006, maoïstes, marxistes-léninistes et Parti du congrès (centre droit), se succédaient au pouvoir, sans réussir à se mettre d’accord sur une Constitution. Les parlementaires ont su tirer les leçons du chaos humanitaire, généré par l’inertie du gouvernement. Structurellement défaillant, l'Etat était paralysé par une bureaucratie toute puissante après quinze ans sans élections locales. Seuls les royalistes ont voté contre le texte.
«Les droits des femmes restreints»
La nouvelle Constitution organise ce pays de 31 millions d’habitants coincé entre l’Inde et la Chine en sept provinces. Depuis des semaines, le tracé des frontières intérieures a généré des manifestations violentes, qui ont causé la mort d’une trentaine de militants et d’une dizaine de policiers, ainsi que celle de deux petits enfants. Les tensions sont importantes entre les dizaines de communautés qui cohabitent sur le territoire de 150 000 kilomètres carrés. Venant des plaines fertiles, des riches collines ou de la haute montagne, elles ont une langue, une culture, un système de castes, voire un alphabet différent. Les Madeshi, paysans du Sud qui longtemps n’ont pas eu droit à la nationalité népalaise, sont les plus remontés, s’estimant lésés par le partage.
Par ailleurs, les féministes s'insurgent contre un texte jugé «patriarcal».L'attribution de la nationalité, indispensable pour obtenir un permis de conduire, ouvrir un compte bancaire, etc., est un point sensible au Népal. Or, selon le nouveau texte, seuls les pères pourront automatiquement transmettre la nationalité à leurs enfants ou à leur conjointe étrangère. L'avocate et députée Sapana Pradhan Malla dénonce un texte qui «restreint les droits de femmes», considérées comme «des citoyens de seconde zone», qui peuvent être discriminées sur la base de leur statut marital, notamment en ce qui concerne la propriété et l'héritage. La militante pour le droit des femmes déplore que «l’Assemblée constituante n’a pas réussi à assurer aux Népalaises l'indépendance et l'égalité de droits».
La nouvelle Constitution entrera en vigueur dimanche. L’actuel Premier ministre, Sushil Koirala, devrait laisser sa place à Sharma Oli, leader du Parti communiste népalais (marxiste-léniniste), qui formera un nouveau gouvernement en attendant l’organisation d’élections. Et après sept années de réflexion, l'Assemblée constituante se muera en une véritable Assemblée.