mercredi 30 décembre 2015

Un très bon film à voir pendant les fêtes

« Kalo Pothi – Un village au Népal », deux gamins et leur poule, sur les pentes du Népal
Ce film népalais, récompensé à la Mostra de Venise, ouvre sur un monde rural méconnu, soumis au système de castes et secoué par les violences.
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LES ACACIAS FILMS
Prakash et Kiran partent sur les routes à la recherche de leur poule.


KALO POTHI–UN VILLAGE AU NÉPAL **
de Min Bahadur Bham
Film népalais, 1 h 30
Il n’est pas donné toutes les semaines aux cinéphiles de se transporter, en fauteuil, jusqu’à un petit village du nord du Népal, auquel aboutissent deux ou trois chemins de terre. C’est là que vivent Prakash et Kiran, enfants qu’une sévère différence sociale n’empêche pas d’être amis.
Bien décidés à gagner quelques sous, ces compères futés se mettent en tête d’élever une poule et de vendre ses œufs. Las, la poule, acquise dans des conditions peu claires, revendue par le père de l’un d’eux, un veuf maintenu en état de domesticité, leur cause bien des soucis.
Le jour où elle disparaît pour de bon, Prakash et Kiran se lancent à sa poursuite, au mépris des dangers qui les guettent dans la région, où sévit une guérilla maoïste.
CE LONG MÉTRAGE DÉVOILE UN MONDE RURAL MÉCONNU
Nourrie de l’expérience de son réalisateur népalais, cette fiction cofinancée par la France, la Suisse et l’Allemagne élargit encore un peu plus – quelques mois après le beau Lamb vu à Cannes (sur un jeune Éthiopien et sa brebis) – la fenêtre que le cinéma ouvre sur le monde.
Récompensé du prix du meilleur film à la Semaine de la critique lors de la dernière Mostra de Venise, Kalo Pothi–Un village au Népal, tourné dans des endroits reculés avec l’aide de comédiens non professionnels, fut une aventure.
Ce regard posé « de l’intérieur » sur un pays qui n’évoque souvent que les courses folles menées vers les sommets par des Occidentaux en quête d’exploits s’avère précieux. La part documentaire de ce long métrage dévoile un monde rural méconnu, fortement hiérarchisé par le système des castes (comme dans l’Inde voisine), où le taux d’alphabétisation ne dépasse souvent pas 20 %.
EN TOILE DE FOND, LA GUERRE CIVILE EST BIEN PRÉSENTE
Suivant avec enthousiasme les deux jeunes héros, la caméra glisse sur les paysages vertigineux pour s’arrêter sur les personnages, pénétrer dans des masures seulement équipées d’un châlit et d’un foyer où l’on confectionne des repas à partir de presque rien.
En toile de fond, la guerre civile est bien présente, entre discours et « programmes culturels » proposés par les maoïstes, mais aussi enrôlements (notamment des filles voulant échapper à leur condition servile) et enlèvements.
La réalité des affrontements, qui firent 13 000 victimes en dix ans, apparaît de manière fugitive mais suffisamment marquante pour que le spectateur prenne la mesure de leur réelle violence.
-----La guerre civile au Népal
1996. Le Parti communiste népalais, d’inspiration maoïste, lance les hostilités en février, via son bras armé, l’Armée populaire népalaise. Il demande le départ du roi Birendra et l’instauration d’une république.
2001. Un règlement de comptes familial, attribué à l’un des princes héritiers, décime la famille royale. Birendra, décédé, est remplacé par Gyanendra.
2006. En avril, Gyanendra tente de s’arroger les pleins pouvoirs mais un vaste mouvement populaire l’en empêche. En novembre, un nouveau premier ministre signe un accord de paix avec la guérilla maoïste. On estime à 13 000 le nombre de morts liés à la guerre civile, dont un tiers serait attribuable aux maoïstes et deux tiers aux forces gouvernementales. Plus de 100 000 personnes auraient fui les combats.
2012. Mise en place par le Parlement d’une Commission vérité et réconciliation.
ARNAUD SCHWARTZ