La Coupe du monde 2034 a été attribuée sans surprise à l’Arabie saoudite. Deux ans après le Mondial au Qatar, les mêmes questions sociétales et écologiques se posent à plus grande échelle
l’organisation de la Coupe du monde 2034 après le retrait de l’Australie et de l’Indonésie, l’Arabie saoudite a été désignée ce mercredi pays hôte du Mondial de football qui aura lieu dans dix ans, en dépit de tous les reproches qui peuvent lui être faits en matière de droits humains et d’écologie.
L’annonce était tellement prévisible que des ONG et des représentants des supporters avaient préparé un brûlot commun pour dénoncer le choix de la Fifa, et n’attendait que l’officialisation pour appuyer sur le bouton rouge. La plus faute instance du football « a décidé d’ignorer nos avertissements », écrivent notamment Amnesty International, Human Rights Watch (HRW), la Confédération syndicale internationale (Ituc) et les organisations Sport and Rights Alliance et Football Supporters Europe (FSE). Deux ans après la Coupe du monde au Qatar et 14 ans après son attribution, revoilà le débat au point de départ.
Des risques pour les travailleurs migrants et les personnes LGBTQIA +
Dans un rapport d’évaluation mené par la Fifa, celle-ci n’a évalué le risque pour les droits humains qu’à un niveau « moyen ». L’Arabie saoudite a réformé ses lois sur la Kafala en 2021, mais les droits des travailleurs migrants (qui représentent environ 42 % de la population) sont encore loin d’être garantis. La Coupe du monde 2022 au Qatar avait par ailleurs démontré que certaines mesures pouvaient n’être que de façade, comme nous le révélions dans un reportage à Doha. Les grands travaux à venir en Arabie saoudite pour accueillir la Coupe du monde 2024 ne poussent pas les ONG à l’optimisme sur la manière dont seront traités ces travailleurs.
Selon les données gouvernementales obtenues par Human Rights Watch, 887 travailleurs bangladais sont morts en Arabie saoudite entre janvier et juillet de cette année. 80 % de ces décès ont été attribués à des « causes naturelles », et seulement 1 % à des accidents de travail. Idem pour les travailleurs népalais : 590 des 870 décès le seraient pour des causes naturelles.
Parmi les populations mises en danger par la Coupe du monde 2034, peuvent également être cités opposants politiques, même pacifiques, et personnes LGBTQIA +, dans un pays où les relations entre personnes du même sexe sont interdites et pour lesquelles le nouveau pays hôte n’a offert aucune garantie en matière de liberté de circuler et de sécurité.
Huit stades à construire, dont un dans la ville futuriste de Neom
Contrairement au Qatar, les Saoudiens ne partent pas de zéro au niveau infrastructurel. Mais le projet soumis à la Fifa comporte la construction de 11 nouveaux stades, dont huit à Riyad et trois projets déjà en cours. On sait déjà que l’un des stades du Mondial 2034 sera érigé dans la ville futuriste de Neom, au bord de la mer rouge, connu pour son mégaprojet fou « The Line », une ville à l’intérieur d’un seul bâtiment long de 170 km, depuis revu à la baisse.
La perspective d’un Mondial durable paraît utopique à ce stade, et ce même si la Fifa s’était engagée à réduire ses émissions de carbone de 50 % d’ici 2030 et que le projet de politique saoudienne baptisé « Vision 2030 » inclut une plus grande sensibilité aux questions écologiques et un éloignement des énergies fossiles. En théorie.
Dans la pratique, la Fifa vient de signer un accord avec le géant pétrolier saoudien Aramco jusqu’à 2027. Et pour le collectif Fossil Free Football, la Coupe du monde 2034 abonde dans le sens d’une « campagne stratégique [saoudienne] qui dure depuis des décennies et qui vise à ralentir l’abandon des combustibles fossiles à l’échelle internationale ».
Tournoi en hiver ? Décision attendue d’ici 2027
Enfin, la Coupe du monde dans la péninsule arabe devrait marquer le retour du calendrier chamboulé. Comme en 2022, il apparaît comme inconcevable de jouer au football par 40 degrés – la moyenne de température maximale à Riyad – et le tournoi devrait se dérouler en hiver. Les organisateurs ont jusqu’à 2027 pour se décider. Plusieurs sources, dont RMC Sport, convergent vers la thèse d’un Mondial en janvier. Histoire de se distinguer un peu du Qatar, malgré tout.