Un homme déguisé en yéti lors d'une fête populaire en Macédoine. — Jugoslav Belada/Solent/SIPA
La légende de « l’abominable homme des neiges » à l’épreuve de la génétique : des analyses ADN de restes supposés de « Yétis » montrent que cette créature mystérieuse serait en fait un ours des hautes montagnes de l’Asie, selon une nouvelle étude publiée mercredi.
Ce n’est pas la première fois que la génétique tente de faire un sort au Yéti, parfois décrit comme une sorte de grand singe sévissant dans ces régions.
En 2012, une équipe de scientifiques menée par le généticien Bryan Sykes de l’université d’Oxford, avait déjà réalisé des tests ADN sur des échantillons de poils censés provenir de Yétis. Un an plus tard, elle avait émis l’hypothèse que le Yéti pourrait être en réalité issu d’un croisement entre un ours polaire et un ours brun. Mais les résultats de cette étude sont controversés.
« Elle reposait sur des données beaucoup trop limitées pour permettre d’en tirer des conclusions solides », assure à l’AFP Charlotte Lindqvist, co-auteur de la nouvelle étude publiée dans Proceedings of the Royal Society B.
Ours noirs d’Asie, ours bruns d’Himalaya et ours bruns tibétains
Ce professeur associé de biologie à l’Université de l’Etat de New York, à Buffalo, a travaillé pour sa part sur neuf échantillons de restes supposés de Yétis. Fragment d’os, dent, morceau de peau, poils ou matières fécales ont été collectés dans les montagnes de l’Himalaya et le plateau tibétain sur une longue période, allant de la fin des années 1930 à récemment. Ils sont conservés dans des musées et collections particulières.
Après analyse ADN, l’un d’eux s’est avéré provenir d’un chien. Les huit autres échantillons correspondent à des ours noirs d’Asie, des ours bruns d’Himalaya et à des ours bruns tibétains. « Selon nos résultats, le Yéti est un ours qui vit dans la région actuellement », résume Charlotte Lindqvist. « Cela peut être n’importe lequel » de ces trois ours locaux.
L’ours brun de l’Himalaya (Ursus arctos isabellinus ou ours Isabelle) est une sous-espèce de l’ours brun. Il est doté d’une fourrure assez claire et rousse. L’ours brun du Tibet (Ursrus arctos pruinosus, ou ours bleu du Tibet), a une fourrure plus foncée avec un « collier » blanc autour du cou. Le troisième larron est l’ours noir d’Asie (Ursus thibetanus). Il est plus petit et porte une sorte de collier blanc sur son poitrail.
Le mythe du Yéti « puise ses racines dans des faits biologiques réels »
Pour Charlotte Lindqvist, les résultats de l’étude permettent de montrer que le mythe du Yéti « puise ses racines dans des faits biologiques réels » et se rattache aux ours locaux. « Cela avait été suggéré auparavant mais jamais confirmé directement avec une approche scientifique rigoureuse », souligne-t-elle.
L’équipe a également mené une étude génétique plus vaste sur 23 ours d’Asie dont les « Yetis » supposés. Elle a permis de constater que les ours bruns du plateau tibétain et les ours bruns des montagnes de l’Himalaya occidental semblent appartenir à deux populations distinctes d’ours séparés depuis très longtemps, malgré leur relative proximité géographique.
La séparation se serait produite il y a environ 650.000 ans, lors d’une période glaciaire. Dans son évolution, l’ours brun de l’Himalaya, isolé, aurait suivi son propre chemin. Est-ce pour autant la fin du mythe du Yéti ? Charlotte Lindqvist ne le pense pas. « Ce mythe est important pour la région de l’Himalaya et le folklore local » et il va le rester. « Les gens adorent les mystères ».