mardi 7 février 2017

Décret Trump: des réfugiés bhoutanais dans les limbes au Népal




Après deux décennies d'attente, Kalimaya Magar avait donné la plupart de ses biens et s'apprêtait à quitter son camp de réfugiés au Népal pour débuter une nouvelle vie aux Etats-Unis. Et puis est arrivé le décret Trump.
Cette Bhoutanaise appartenant à une ethnie d'origine népalaise devait s'envoler cette semaine, avec mari et enfants, pour le Vermont. Mais le décret signé par le nouveau président américain Donald Trump, qui interdit l'entrée du territoire aux réfugiés, a réduit ses projets en cendres.
"Mon espoir de liberté pour cette vie en tant que réfugiée n'est plus qu'un rêve maintenant", confiait Kalimaya la semaine dernière à l'AFP au camp de Beldangi, peu après la signature du décret.
Plus de 100.000 membres d'une ethnie népalaise à majorité hindoue ont fui le Bhoutan, l'un des plus petits pays au monde, enclavé entre l'Inde et la Chine, au début des années 1990. Ils disent y être persécutés après l'instauration de lois destinées à affirmer l'identité bouddhiste de ce royaume himalayen.
Depuis 2007, et l'échec de pourparlers entre Katmandou et Thimphou, quelque 90.000 d'entre eux ont été relocalisés aux Etats-Unis.
Mais plus de 10.000 d'entre eux vivent encore dans des camps de réfugiés au Népal. Et si le décret anti-immigration de Donald Trump a été suspendu par la justice américaine, pour les habitants de ce camp l'avenir est incertain.
"Nous avons entendu des rumeurs, mais nous n'avons aucune information sur la possibilité de partir ou non, et si oui, quand", a complété lundi Kalimaya Magar.
Contacté, un porte-parole du département d'Etat américain n'a pas précisé la portée de la décision judiciaire sur le programme de relocalisation des réfugiés bhoutanais.
"Nous travaillons en proche collaboration avec nos juristes, les différentes agences et nos partenaires à l'étranger pour appliquer la décision" de justice, a déclaré ce porte-parole.
- Les bagages étaient prêts -
L'ordre anti-immigration signé le 27 janvier par le président Trump, qui ferme au moins provisoirement la porte des Etats-Unis aux réfugiés et aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane considérés comme des viviers terroristes, a déclenché chaos et confusion d'un bout à l'autre de la planète.
Le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations unies a publiquement dénoncé la décision. Au cours des 120 jours sur lesquels porte initialement le décret (période indéfinie pour les Syriens), plus de 20.000 réfugiés à travers le monde auraient dû être relocalisés aux États-Unis, selon le HCR.
Un juge fédéral a suspendu à titre temporaire vendredi dernier le décret, le temps qu'une plainte soit examinée. Une cour fédérale d'appel a rejeté dimanche le recours du gouvernement américain pour remettre immédiatement en place l'interdiction.
Mais ce ping-pong judiciaire est de peu de réconfort pour Aitemaya Tamang. La veille de son départ, elle s'est entendu dire qu'elle ne pouvait pas rejoindre sa famille sur le sol américain.
"Je suis choquée et inquiète", raconte à l'AFP la jeune femme de 26 ans: "je voulais aller (aux États-Unis) pour travailler, nourrir ma famille et envoyer mon fils dans une bonne école. Maintenant je ne sais pas ce qu'il va se passer".
Aitemaya Tamang avait déjà fait ses sacs, ils gisent maintenant sur le sol de sa hutte. Les étiquettes portent la mention de leur destination, qui semble soudain plus lointaine encore: la Caroline du Nord.